LA LOI INDUSTRIE VERTE ET SON IMPACT SUR LES DISTRIBUTEURS D’ASSURANCE AU LUXEMBOURG
La Loi Industrie Verte (Loi n° 2023‑973 du 23/10/2023), adoptée en France pour soutenir la réindustrialisation décarbonée, introduit des obligations nouvelles pour les distributeurs d’assurance, y compris ceux établis au Luxembourg. En effet, dès lors qu’un client est résident fiscal en France, le distributeur luxembourgeois entre dans le périmètre de la régulation française, sous le contrôle de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).
Une compétence de l’ACPR
Celle-ci s’applique dès qu’un client est fiscalement résident en France, indépendamment du lieu d’établissement du distributeur. Cela signifie que les courtiers luxembourgeois doivent intégrer les exigences de la Loi Industrie Verte dans leur pratique du conseil, leur documentation et leur offre produit.
Un devoir de conseil ESG renforcé
La loi impose une adaptation du devoir de conseil pour intégrer les préférences de durabilité des clients résidents en France. Cela inclut :
- La présentation des dispositions de la Loi Industrie Verte avant souscription.
- La collecte d’informations ESG (durabilité), incluant les préférences de durabilité labellisées, la situation familiale, professionnelle et financière du client, ses objectifs d’investissement et de performance, son appétence au risque et capacité à subir des pertes et ses connaissances et expériences financières.
- Une traçabilité renforcée : archivage sur support durable (outil automatisé recommandé), justification écrite du conseil, mise à jour en cas d’événement significatif.
Le référentiel de collecte est précisé dans l’Annexe 1 de la recommandation ACPR 2024-R-03.
Un conseil dans la durée : une responsabilité continue.
La Loi Industrie Verte impose une dynamique de conseil dans la durée, avec des exigences d’actualisation régulière :
- Tous les 2 ans pour les contrats avec conseil personnalisé (IBIPs).
- Tous les 4 ans pour les autres.
- À chaque événement significatif dans la vie du client (changement de situation familiale, professionnelle, financière ou de ses objectifs d’investissement).
Cette exigence implique une organisation rigoureuse du suivi client, avec des outils permettant de détecter les changements, de relancer les mises à jour et de documenter chaque étape du conseil.
DES ECHEANCES A ANTICIPER
Trois dates clés structurent la mise en œuvre :
- 31 décembre 2025 : entrée en vigueur pour les nouvelles souscriptions.
- 23 octobre 2026 : remédiation du portefeuille existant pour les IBIPs et le conseil personnalisé.
- 23 octobre 2028 : remédiation de tous les autres contrats (intégralité du portefeuille).
UNE OFFRE PRODUIT A ADAPTER
Les distributeurs doivent disposer de produits labellisés « Industrie Verte » dans leur catalogue. En effet, depuis le 1er janvier 2024, chaque contrat d’assurance-vie doit proposer au moins une unité de compte (UC) labellisée (exemples : ISR, Greenfin). Quid des assureurs étrangers en LPS en France ?
En cas d’intérêt confirmé du client et d’absence de produit labellisé « Industrie Verte » dans le contrat existant, nécessité de répondre de manière adéquate aux besoins et nécessités du client en dehors de la situation actuelle.
ET LES CONTRATS NON-VIE ?
La recommandation ACPR précise que le devoir de conseil ESG s’applique également aux contrats non-vie (auto, habitation, santé…). Cela inclut la prise en compte des préférences en matière de durabilité des clients, ainsi qu’une vigilance particulière afin d’éviter les cumuls de couverture ou les situations de double assurance.
SFDR VS INDUSTRIE VERTE / DEUX LOGIQUES A ARTICULER
Le règlement européen Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) impose une transparence sur les caractéristiques ESG des produits mais ne constitue pas un label. À l’inverse, la Loi Industrie Verte repose sur une logique prescriptive, avec des labels reconnus par l’État français. Un produit peut relever des deux cadres mais seul le label français garantit la conformité Industrie Verte.
LE PROCESSUS DE LABELLISATION
En France, le label « Industrie Verte » s’obtient via un processus de certification auprès d’un organisme indépendant spécialisé, tel que le Groupe AFNOR, avec un renouvellement obligatoire tous les quatre ans.
SANCTIONS EN CAS DE NON-CONFORMITE DE LA DISTRIBUTION
Selon le Code Monétaire et Financier, article L612-39, l’ACPR peut prononcer :
- Des sanctions disciplinaires (blâme, interdiction d’exercer, retrait d’agrément).
- Des sanctions financières allant jusqu’à 100 millions d’euros ou 10 % du chiffre d’affaires annuel.
CONCLUSION : UNE TRANSFORMATION A ANTICIPER
Pour les distributeurs luxembourgeois, la Loi Industrie Verte transforme le conseil ESG en un atout stratégique : elle impose des standards plus élevés, mais ouvre la voie à une offre différenciante capable de séduire des clients en quête de transparence et de solutions durables.
Lorenzo STIPULANTE, Flora MILCAN, EY Luxembourg
Lorenzo Stipulante
Partner Regulatory & FinCrime
Ernst & Young S.A.
Flora Milcan
Senior Regulatory & FinCrime
Ernst & Young S.A.




















